Le voyage de Gros Baloo, Un couple en bateau part visiter la planète. Est elle vraiment ronde?

VENEZUELA 07 au 09-2012

 

VENEZUELA 31/08 au 14/09/2012

D’abord, repos, après on collecte toutes les astuces et adresses du coin. Radio ponton marche à fond. Ici on parle espagnol et ne croyez pas vous débrouiller avec votre anglais hésitant, espagnol et rien d’autre. Heureusement, chez Keigla Boat Service, bureau dans la marina, Keigla parle français, s’occupe de votre entrée dans le pays, de vous trouver un rendez vous aux chantiers, de vous faire un change très intéressant, à mon arrivée 1€=11 bolivars, mail:  keiglak@hotmail.com  Et si vous voulez un taxi, adressez vous au français Yves Sinou qui habite ici et sera très heureux de vous aider à chercher l’introuvable, pour pas cher : yvessilou@hotmail.com, tel 0058 4 262812 534. 

Marché immense à Puerto la Cruz, 4 bolos en taxi collectif, 15mn de trajet. On y trouve de tout, poissons, viandes, légumes, fruits, fromages (pas un grand choix), fringues, chaussures, enfin on s’y perd, tellement il est grand. Les prix sont dérisoires par rapport à l’Europe. La ville est vénézuélienne et sympa. Evitez certains quartiers.

Gros intérêt, le gasoil. Il est vendu moins cher que le coût de production, dans les 0.0050€ le litre. Pour nous, étrangers impossible d’en acheter, si ce n’est après une tonne de paperasses, et au prix international. Je ne sais pas à quoi correspond ce prix, car on achète au « noir ». On m’a livré en bidons,1100l à 1bolo le litre. Arnaque me direz vous, mais j’ai payé avec le sourire.

Prix de la marina pour mon 37 pieds : 8400 bolos du 01/08 au 30/11/2012 soit 191€ le mois, avec eau (un peu boueuse, mais potable), électricité 60hz 110 ou 220v, et dans l’enceinte, barbecue tous les jeudi soir, ils fournissent  le charbon de bois, vous amenez juste votre miam miam, et les équipages se retrouvent pour la soirée, bonne ambiance. Grande piscine, un petit restau (repas 55 bolos), une chti épicerie tenue par une anglaise, un petit ship électronique, une laverie où on vous lave, repasse et plie le linge pour 3 fois rien. En arrivant mon premier achat a été une clim de fenêtre, à poser sur l’emplacement du capot avant et qui fonctionne 24h sur 24h. Le prix de la marina en tient compte. Bateau un peu plus frais …… le luxe !!! A Grenade pendant mes travaux, je faisais la flaque de sueur autour de moi, et je n’avais pas trouvé de clim.

Bahia Redonda, la marina, est à l’entrée de la lagune El Morro avec des canaux qui vont jusqu'à un complexe marchand de luxe, Plaza Mayor ; nombreux magasins, super marché, Mac Do, restaus et tout et tout. Quand même 1h 20 d’annexe pour y accéder, mais la visite est extra, avec même une partie des canaux aménagée par l’architecte de Port Grimaud. On retrouve donc un deuxième Port Grimaud nettement moins cher : petite maison, salon, cuisine et un étage 2 chambres, salle de bains, 110 000€ avec la place du bateau devant comprise dans le prix.

Inconvénients, on ne peut pas aller naviguer dans les îles en face, pourtant bien tentantes, mais les pirates sévissent. Pour se balader en ville, adopter la tenue du coin, pas de bijoux, pas de montre tape à l’œil, vieux jean, et polo dans le même style. Avoir 200 à 300 bolos dans les poches si on se fait arrêter par la maréchaussée ou quelqu’un de mal intentionné, on planque le reste. Pour vivre heureux vivons cachés. Mais ce n’est pas pire qu’au Brésil ou dans certains quartiers de nos grandes villes. Baladez vous aux Champs Elysées  avec un portefeuille bourré de dollars bien en évidence, le risque n’est peut-être pas moindre.

A part ça, c’est les tropiques, 28 à 35°, soleil pratiquement en permanence, chapeau et lunettes solaires obligatoires, cogne vraiment fort le coco. Les gens sont sympas. Soins médicaux gratuits en public, quand même moins performants que chez nous. J’ai été griffé par un chat dans la marina. Vaccination du félin incertaine si ce n’est inexistante. Parti avec Christine qui parle bien espagnol à l’hôpital public. On nous a fait passé avant tout le monde, fiers de soigner des gringos et ce gratuitement, nous étions un peu gênés. Résultat j’ai eu droit à une injection de Toxoide, qui s’avéra être un antitétanique, qui m’ébranlera la carcasse pendant 3 jours. Mais pas de vaccin contre la rage. Comme je rentrai en France les jours suivants, on a juste surveillé la santé du chat. RAS TVB.

Gros Baloo demande aussi des soins. Je change enfin mon échangeur d’échappement pour un beau tout neuf en inox, sans problèmes …… le pied. Nettoyage des réservoirs de gasoil avant de les remplir. Diminution de la bôme de l’artimon  et recoupe de la voile. Fabrication d’un taud avec du tissus acheté en ville, pas cher. Amélioration des bossoirs pour les surélever. Changement de la pompe manuelle des eaux usées. Rangements, nettoyage, vernis, peinture, …… liste non exhaustive et jamais finie…… usant !!!

Invitations diverses, un peu de jogging derrière Anna, 65 ans, et qui m’a laissé sur place dans la monté du Mont Oro, avec ma langue qui trainait par terre.

 

La vie est belle et j’apprécie vraiment beaucoup d’être seul.

*Il est grand temps de rallumer les étoiles [Guillaume Appolinaire]

Notre couple avec Marie-Rose allait à peu près bien à terre, malgré la routine qui s’était installée après 20 ans de vie commune. Elle a suivi mon envie de naviguer et de découvrir une autre vie, mais n’y a jamais adhérer complètement. La vie sur un bateau est très révélatrice, et ces temps derniers, elle supportait de moins en moins, et m’a fait des reproches et des critiques que je ne suis pas arrivé à oublier. La relation entre nous s’est distendue, et si on peut vivre à terre ce genre de relations, sur un bateau c’est structurellement impossible. La situation est devenue ambiguë au fil des miles. J’ai surement des tords, mais la vie en bateau doit être vécue et partagée pour tout, le bon et le mauvais, et ceci complètement.  Il ne peut y avoir de faux fuyant, on est ensemble 24h sur 24, et on doit œuvrer dans le même sens. En plus, le bateau est très exigeant et ne peut être laissé sans soins, la mer est très agressive et ne pardonne pas la moindre erreur. Marie-Rose rêvait d’une vie à deux, comme certains couples : monsieur navigue en solitaire la plupart du temps, et madame le rejoint dans les bons endroits et les bons mouillages. Monsieur s’occupe entièrement du bateau et tout va bien dans le meilleur des mondes. Ce n’est pas la vie que je veux, et je préfère rester solitaire, comme beaucoup, qu’ils soient hommes ou femmes, et que l’on a rencontrés au fil de nos navigations. Je préfère rester seul, qu’être, comme on dit, « mal accompagné », pas dans le sens du conflit, mais du partage de l’aventure, de la vie, et du vécu de cette aventure. On ne peut pas picorer comme dans les voyages organisés, on plonge dedans, on le vit entièrement. La mer nous porte et on se fond, on s’amalgame, on s’unit à cette nature si immense et si vivante.  J’aime beaucoup cette citation que l’on attribut à 3 hommes différents :

*Il y a trois types d'hommes, les vivants, les morts... et ceux qui vont en mer.» Anacharsis Philosophe scythe (VIe s. avant J.-C.).

*Platon, dans le Dialogue de Critias (de l’Atlantide)  déclarait : « Il y a trois sortes d'Hommes : les Vivants, les Morts et Ceux qui vont sur la Mer ! » -423 à -347

*Il y a trois sortes d'hommes: les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer. Aristote -384 à -322

 

Je pense vraiment faire partie de ceux qui vont sur la mer. On peut continuer les citations :

*Le bateau c'est la liberté, pas seulement le moyen d'atteindre un but (Bernard Moitessier 1993)

J’ai rencontré Bernard à plusieurs reprises, et quand j’ai acheté Gros Baloo, il m’a encore affirmé : Ne te poses pas de questions, part. Dentiste, ayant pris un associé, les enfants étant encore très jeunes, nous pouvions partir sans problème. Ma femme était d’accord pour l’achat du bateau et le départ, …… mais a refusé, quand au pied du mur. Je crois que j’ai raté le coche. J’ai continué dentiste, Gros Baloo est resté à son port de Porquerolles et nous naviguions 1 à 2 mois tous les étés, et souvent on descendait à 3h du matin pour attraper la première navette pour l’île, et passions une semaine de bonheur.sur l’île. 17 ans après notre mariage, nous divorcions et je connaissais Marie-Rose.

*Quand une fois la liberté a explosé dans une âme d'homme, les dieux ne peuvent plus rien contre cet homme-là". Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Le Diable et le bon Dieu, Gallimard, 1951

*La liberté ce n'est pas de faire ce que l'on veut, mais de vouloir ce que l'on fait  (J.P SARTRE)

*Au début, la mer n'est qu'un rêve, presqu'un mirage aux yeux des autres surtout qui ignorent que le rêve est l'indispensable moteur de l'action. - GERARD JANICHON

*La mer donnera à chaque homme des raisons de rêver - CHRISTOPHE COLOMB

*Homme libre, toujours tu chériras la mer!
La mer est ton miroir; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame,
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer [Charles Baudelaire 1840-1857]
 

*n'est pas un de nous qui ne soit coupable d'un crime : celui, énorme, de ne pas vivre pleinement la vie. » ( H.Miller, Sexus )

*La seule chose qu'on est sûr de ne pas réussir, c'est celle qu'on ne tente pas (Paul Emile Victor)

*Or, de récentes études en psychologie montrent que les regrets qui nous minent, ceux qui peuvent nous faire le plus de mal, ceux qui entament l’estime de soi et peuvent nous faire glisser vers la déprime et avec elle la maladie, ce sont les regrets non pas des bêtises que nous avons faites, mais les regrets de ce que nous n’avons pas osé tenter.

Toutes ces citations m’ont appris la vraie vie, mais il a fallu attendre un stupide accident avec la perte d’un doigt, et de mon métier qui représentait beaucoup pour moi, afin d’avoir de nouveau la possibilité de prendre ma liberté et essayer de la partager avec Marie-Rose qui, même si elle a vraiment tenté de me suivre sur ce chemin, n’y est point arrivé.

       *sentir la joie d’être vivant. (Francisco Coloane)

J'ai de plus subi une résection totale de la prostate, suite à un cancer débutant. Tout va bien merci, cela a été pris à temps et je ne devrais pas en mourir comme Bernard Moitessier, mais cela m'a fait prendre conscience encore plus de la joie d'être vivant. Quand on sait que l'on va peut être mourir demain, on comprend mieux ce qui fait notre vie, on ne voit plus que l'essentiel, foin de tout le reste. C'est fou comme tout se simplifie, et on se rend compte de toute la futilité de beaucoup d'aspects de notre vie. Gardez à l'esprit que la vie est très fragile et que vous pouvez la perdre demain, vous verrez que tout devient plus simple et votre vie va s'illuminer. Vous gagnerez en liberté de penser et d'agir, et vous trouverez ce qui compte vraiment pour vous, ce que vous voulez vivre fondamentalement. Vous perdrez moins de temps en futilités et apprécierez la vie. La vie est très belle quand on sait qu'on va la perdre, et n'oublions pas, c'est de lot de chacun de nous.

*On m'a rendu ma liberté ! Je me suis dissous dans la mer, transformé en voile blanches et en embruns, je devins beauté et rythme, clair de lune et bateau, voûte étoilée ! Dépourvu de passé ou de futur, J'ai appartenu à cet espace de paix, d'unité et de joie indomptée, à quelque chose de bien plus grand que ma propre vie ou que celle de l'homme, j'ai appartenu à la Vie tout court !(EUGENE O'NEILL).

Cette citation représente bien ce qu’est devenue ma vie, er comment je la vie.

*La mer isole de tout et dispense des sensations qui n'ont rien à voir avec les tics nerveux citadins.(de Jacques Sternbergextrait du Vivre en survivant)

*La mer touche au plus profond de l’homme. Dans la lumière du soleil, n’est-elle pas le miroir de l’âme humaine ? »de Philippe Plisson

En ce jour, j’en suis là. Le bateau est ma liberté, je veux vivre pleinement ce qu’il me reste de ma vie, je ne veux plus avoir de regret. C’est la vie que j’ai choisie et qui me procure joie et bonheur.

Cette vie marine nous apprend aussi quelques vérités :

*Deux choses sont infinies : l'univers et la bêtise humaine. Mais en ce qui concerne l'univers, je n'en ai pas encore acquis la certitude. (Albert EINSTEIN).

*C'est une triste chose de songer que la Nature parle et que le genre humain ne l'écoute pas (Victor Hugo).

*Le monde aurait pu être simple comme le ciel et la mer. (de André Malraux)

*Quand ils auront coupé le dernier arbre, pollué le dernier ruisseau, pêché le dernier poisson. Alors ils s'apercevront que l'argent ne se mange pas. (Tatanka Yotanka - Sitting Bull, guerrier sioux).

*La mer est sans routes, la mer est sans explications.

*En mer, le plus grand danger, c'est la terre.

*La mer permet tout pourvu qu'on la respecte

*Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas. Naviguer: c'est accepter les contraintes que l'on a choisies. C'est un privilège. La plupart des humains subissent les obligations que la vie leur a imposées. (Eric Tabarly)

*Nous sur la mer, on ne demande pas aux gens de quelle religion ils sont. On est tous des matelots, un point c'est tout [Michel Ragon 1987 ]

*Sur la mer, personne ne vous prend en tutelle. C'est le dernier espace au monde où vous êtes responsable [Paul Guimard 1976]

 

Nous sommes 7 milliards d’humain sur cette terre. Jimmy Cornell a recensé moins de 30000 personnes qui tournent autour du monde sur leur bateau. Soit 0,000427% de la population. Pourtant c’est un grand village, et les équipages se croisent et s’entrecroisent, car nous suivons en général tous la même route.

Nous sommes tous des marins et les relations sont plus vraies et plus promptes que sur terre. Le « tu » est beaucoup plus rapide et on sait tout de suite si on va se plaire ou pas. On se plaît et on reste plus longtemps ensemble, quitte à ce que le programme de navigation change, on ne se plaît pas, no problem, chacun chez soi et on passe chacun son chemin.

La mer crée entre nous une solidarité qui n’existe pas à terre, et nous rapproche. On échange nos astuces, nos problèmes, nos renseignements, nos idées et espoirs. Les apéros sont sans problème et les bouffes super sympa, chacun amenant son parcours, souvent différent. Le partage existe naturellement et on est très heureux de se retrouver au détour d’un mouillage.

Le bateau, c’est notre « home » et notre moyen de locomotion, quand un endroit nous enchante, on reste et on en savoure toute la substantifique moelle. Quand l’endroit ou l’ambiance se trouve moins bonne, on dépique l’ancre et on navigue plus loin.

L’approche par la mer nous met en contact plus intime avec les autochtones, et du fait que nous ne sommes que de passage, que nous éveillons leur curiosité, les relations sont aussi plus rapides et plus profondes.

Cette vie nous permet de nous immerger dans la nature et les rapports humains, tout en gardant notre « chez nous ». On apprend vite qu’il faut respecter la mer, que nous sommes responsables et qu’il faut tendre à être le plus autosuffisant possible. On a choisi nos contraintes et il nous faut les assumer, mais c’est nous qui avons choisi, et nous sommes heureux de vivre ainsi.

La mer est mon amie, certes exigeante et qui ne pardonne pas la moindre erreur, mais le danger, c’est le plus souvent la terre avec ses écueils, qu’ils soient terrestres, humains ou administratifs, le tout souvent dans un subtil mélange qu’il vous faudra décoder.

Le 9 septembre je fête seul, à bord, mes 65 ans avec une bonne bouteille de bourgogne 1974, année de naissance de Gros Baloo. Ce jour je téléphone à mes enfants, aux amis, et à mon amie Viviane qui a un moral à couper à la tronçonneuse et qui me fout le mien en bas…….. cœur caillou, yeux fontaines!!!!!!!!!!! Et la vie continue………..